Compte rendu de la deuxième réunion du Comité d’orientation stratégique (COS) de la Cade du 9 décembre 2008
La deuxième réunion du comité d’orientation stratégique de la Cade s’est tenue le 9 décembre 2008 au Conseil régional d’Île de France. Étaient présents 8 personnalités extérieures et 8 membres du bureau de la Cade à titre d’observateurs. Les discussions en salle ont été complétées par 3 cont r ibutions écrites. A noter que de nombreuses personnalités sollicitées, membres du COS, ont marqué leur intérêt mais n’ont pu se libérer. Cette réunion était présidée par Jean-Loïc Baudet et animée par Georges Courade. Cette synthèse n’est qu’une étape d’un processus permanent de réflexion stratégique.
L’Afrique, la crise et les orientations de la Cade.
L’ordre du jour prévoyait :
- un approfondissement de la réflexion intervenue lors du COS du 11 juin 2008,
- l’analyse de ce qui semble être « un modèle africain » de développement,
- la manière dont la Cade peut remplir ses objectifs.
Les questions posées qui ressortent
de l’introduction du
président et de l’animateur
sont de deux ordres. En premier
lieu, l’Afrique n’a pas
été conviée aux nombreux débats
provoqués par la crise
sans doute parce que ses positions
n’étaient pas suffisamment
audibles. Or, chaque
pays, chaque continent, devra
se repositionner dans un
contexte différent de celui
qu’il connaissait jusqu’à présent
et coordonner ses actions.
Quelle sera la trajectoire de
l’Afrique dans cette nouvelle
configuration de l’ordre mondial
qui s’annonce et comment
tirera-elle son épingle du jeu
face au risque de renforcement
de la compétition entre
les pays ? Mais ce questionnement
devra sort i r de
l’ « économicisme » ambiant
et prendre en compte ce que
l’Afrique a à dire dans les domaines
social et culturel.
En second lieu, la préoccupation
de la Cade est de savoir
quels domaines d’action privilégier
avec les moyens disponibles
et comment élargir son
audience auprès de nouveaux
publics.
Les territoires, lieux de dynamiques positives à appuyer
Pour établir un diagnostic sur l’Afrique, il est proposé de prendre en compte le niveau géopolitique global, les sousensembles régionaux et les territoires (R. Colin). Comment les différents niveaux territoriaux interagissent-ils l’un sur l’autre et comment soutenir les dynamiques positives dans chacun de ces niveaux ? Au niveau géopolitique global, l’Afrique est bloquée et l’Union Africaine est en crise. Au niveau des sous-ensembles régionaux (Cedeao, Sadec, etc.), on balbutie encore. S’il existe une monnaie commune en Afrique de l’Ouest, il n’y a pas de coordination politique. Ces sous-ensembles régionaux sont en compétition. Le niveau de base, les territoires locaux, est un secteur très contrasté où les points d’accroche sont plus évidents. Ses richesses sont à inventorier avec rigueur et objectivité. On pourrait ajouter le niveau national (M. Levallois) mais il est la source de crises et les nations africaines restent encore à construire face au pouvoir des armes et de l’argent (R. Césaire). A cet égard, la problématique des frontières pourrait constituer un beau thème de travail (R. Colin).
Le renouvellement des leaders par le local
L’Afrique souffre
de mal gouvernance
qui induit de
la dépendance visà-
vis du Nord (M.
Colin de Verdière).
Ce handicap remonte
aux indépendances
qui se sont
faites au détriment
des ensembles signifiants,
socio-économiques,
qui existaient (R. Colin). Il a
été en partie compensé par la
présence de leaders
(Houphouët-Boigny, Senghor)
qui ont permis des avancées au
niveau des ensembles sousrégionaux
comme la création
d’une monnaie commune ou en
permettant, plus tard, la dévaluation
du franc CFA. Mais
l’Union Africaine n’a pas encore
donné toute sa mesure
malgré ses initiatives récentes
pour tenter de juguler les crises.
Aujourd’hui, les leaders
font défaut, ce qui a pour
conséquence une application
encore insuffisante d’une véritable
démocratie.
Si le diagnostic a une tonalité
pessimiste, M. Colin de Verdière
relève des raisons d’espérer.
Au niveau local, la décentralisation
ouvre des perspectives
fortes, en permettant l’émergence
de leaders susceptibles
de constituer une relève
politique. Le retour à la campagne
préconisé par la Banque
mondiale induit un nouveau
contrat social entre mondes
rural et urbain et une nouvelle
géographie du développement
(R. Colin). Pour autant, va-t-on
arriver à un développement
autocentré ? questionne G.
Courade pour qui
on devrait sans
doute repenser la
structure économique
des échanges
mondialisés
pour limiter les
effets négatifs des importations
concurrentes permises
par la libération
des échanges.
Les acteurs
de ce développement sont à
identifier et devraient bénéficier
du soutien des gouvernants.
La vague de migrants la
plus ancienne va retourner au
pays: elle a plus d’argent et
offre moins de prise à la corruption.
Les
migrants vont
créer de nouvelles
entreprises
en étant
plus à même de
drainer les crédits
de Bruxelles.
Mais ils peuvent
connaître des
difficultés d’articulation avec
les « poids lourds » qui sont
dans les structures en place. Il
faut mieux les soutenir et les
faire connaître.
Ne plus opposer villes et campagne
Les villes sont-elles porteuses de développement dans les campagnes ? se demande G. Courade. L’urbanisation estelle porteuse de développement ? La ville est un lieu d’innovation et d’investissement où se crée la modernité et où des leaders s’imposent (M. Levallois). C’est un lieu d’innovation et d’investissement qui dispose des outils de transformation. Elle ne s’oppose plus à la campagne comme au temps du « biais urbain » et entretient de multiples relations avec son espace environnant. La ville est aussi un lieu d’expression politique ; elle est porteuse d’un risque d’explosion sociale partant des universités malmenées par un investissement insuffisant dans l’éducation (A. Boye) et du mauvais usage des compétences formées en mal d’insertion. Il y a là un problème essentiel qui justifierait la remise en question du niveau d’organisation des éducations nationales (M. Fay). Le déplacement des étudiants entre villes et campagnes est aussi porteur de développement dans les campagnes (G. Courade).
Atteindre la sécurité alimentaire de manière autonome
La transition démographique est plus lente qu’escomptée. C’est pourquoi il conviendrait de sécuriser les droits de propriété pour garantir la sécurité économique des investissements agricoles et urbains pour favoriser le développement économique ( J . Schwartz). La montée en puissance des revendications des autochtones au Kenya comme en Côte-d’Ivoire par exemple s’y oppose fortement par la force. Ceci explique que la transition foncière ne fait aucun progrès. Cette insécurité bride les efforts des entrepreneurs et la mobilité générale si nécessaire dans une Afrique aux densités très variables. La crispation sur la terre est liée au contexte de crise qui dure. On ne peut en sortir que par le haut. Qui plus est, rien de durable ne sera obtenu si on ne se préoccupe pas de la souveraineté et de la sécurité alimentaire en ces temps de prix alimentaires durablement élevés comme le montre la course aux terres arables des pays à l’étroit sur leurs territoires (Corée / Madagascar). Aux 18e et 19e siècles, en Europe, les progrès agricoles ont précédé la révolution industrielle qui a permis ultérieurement les progrès sociaux. Cette souveraineté alimentaire est à la base du processus de développement, mais elle nécessite une véritable priorité dans les agricultures nationales (D. Touret- Roberget).
L’Afrique se développera en s’appuyant sur sa culture
Chacun s’accorde à reconnaître l’importance de la culture au sens large du terme (manières de voir, création artistique, mais aussi logiques anthropologiques à la base du vivre ensemble et de l’agir) et du rôle qu’elle peut jouer dans la recherche des trajectoires africaines du développement. La littérature constitue dès lors par sa description de l’intérieur des cultures contemporaines l’une des clés pour saisir les bouleversements des sociétés africaines contemporaines (B. Mongo-Mboussa).
A la recherche de formes de développement à l’africaine
Tous les modèles de développement imposés par le « Nord » ont échoué. La diversité des situations, en Afrique, implique une approche socioéconomique spécifique. Des combinaisons sont à trouver entre innovation endogène et exogène, entre gestion et relationnel, entre respect des anciens et encouragement des initiatives des jeunes. Au plan économique, des solutions sont à chercher entre renforcement des productions pour le marché local et confrontation au marché international pour exporter, entre intensification de la production et gestion des écosystèmes, entre accroissement de la population et régulation démographique, entre villes et campagnes (J-C. Devèze).
Il est des exemples de réussite dont pourraient s’inspirer les leaders africains pour trouver des solutions aux grandes questions. Parmi elles, le bon usage des ressources dont dispose le continent constitue une des conditions pour que l’Afrique trouve sa place dans un modèle de développement mondial (V. Leroy-Saudubray).
Les domaines d’action à privilégier par la Cade
Le comité a formulé plusieurs préconisations qui révèlent une bonne convergence de vues de ses membres. En ce qui concerne les sujets à aborder, il est suggéré:
- de montrer des exemples de réussites (individuelles ou collectives) et des modèles de développement endogènes tout en valorisant les créateurs,
- de mettre en valeur ce qui marche, en collaboration avec l’AFD (V. Leroy- Saudubray),
- de faire connaître les spécificités africaines,
- de faire une place plus importante à la culture sous ses différents aspects en donnant la parole aux acteurs. En ce qui concerne les modalités d’action et les publics à cibler, il est recommandé :
- de faire percoler vers les associations de solidarité internationale, les entreprises grandes ou petites, mais aussi les élus locaux comme nationaux, le savoir accumulé en France sur l’Afrique,
- de conduire une action spécifique (pas facile) en direction de l’Assemblée nationale pour corriger sa méconnaissance, voire son désintérêt, de l’Afrique ;
- d’améliorer la visibilité de la Cade vis-à-vis des jeunes issus de la migration et de mutualiser les initiatives (CADE / associations de migrants),
- d’organiser des modules d’éducation au développement, en utilisant les techniques de téléconférences, de partage des réseaux… (V. Leroy- Saudubray).
Toute la question pour la Cade sera de hiérarchiser cet ensemble d’actions en direction de divers publics et de définir leurs contenus et ce qu’elle peut entreprendre à court et à moyen terme en fonction de ses moyens.■
APPEL A BENEVOLAT